Chasser est un art, tuer est une abomination. [with Jace Wayland]

Chasser, ce n'est pas qu'un métier. C'est un art, un don. Seules de rares personnes en sont réellement capables. Il faut de la patience, être à l'écoute. Si tu te précipites, tu n'arriveras à rien. Ressens ta proie, Helena, mets-toi dans sa peau, dans sa tête. C'est la clé de la traque.
Telles avaient été les paroles du maître de la jeune chasseuse rousse. Alors elle se demandait à quoi pouvait bien penser Jace Wayland, un démon opast de plusieurs siècles déjà. Pourquoi des créatures aussi viles étaient-elles dotées d'une longévité aussi impressionnante - pire, d'une immortalité ? La nature est parfois bien mal faite.
Il savait que les Chasseurs d'Ombres le traquaient et connaissait probablement l'identité de celle qui le pourchassait en ce moment même. Avait-il peur ? Elle en doutait. En général, les démons pourchassés fuguaient sans éprouver de véritable crainte. Une petite appréhension peut-être... Et encore, ils ne prenaient pas leur poursuivants au sérieux la plupart du temps. Non mais, vous imaginez ? Des humains assez naïfs pour croire qu'il leur est possible de tuer ou de capturer seuls des démons ? Pourtant, cette insouciance leur avait souvent coûté la vie...
Enfin, pour Wayland, ça devait être différent. Il avait exterminé tous les Chasseurs qui s'en étaient pris à lui. Ou du moins tout ceux qui n'étaient pas morts de vieillesse ou de maladies...
Cet homme était un véritable fléau. Comme le vent, l'eau, ou le brouillard, il était incontrôlable, imprévisible et insaisissable. Sa réputation justifiait donc tout à fait qu'il n'ait pas peur.
Insaisissable, mais plus pour longtemps, se dit Helena alors qu'elle progressait lentement dans l'épaisse forêt où épineux et feuillus se mélangeaient sans rompre aucunement l'harmonie qui régnait. Elle suivait la petite rivière qui coulait en pente douce à travers les arbres depuis plus d'une demi-heure maintenant après avoir repéré les traces de pas de sa proie en amont.
Comme la descente lui semblait interminable, la jeune femme tenta de se redonner du courage en se disant que ce cours d'eau déboucherait à un moment ou à un autre dans la mer. Dès lors, à moins qu'il ne sache respirer sous l'eau, le démon serait coincé. Mais avant cela, il y aurait sûrement d'autres affluents ou confluents, des fleuves, des ruisseaux... et elle aurait tout le temps de se perdre ou de perdre les traces de Jace Wayland. Bref, c'était plus décourageant qu'autre chose...
Helena se demandait bien pourquoi Wayland était venu ici, dans ce bois. C'était un lieu peu fréquenté c'est pourquoi elle doutait qu'il soit là pour commettre un meurtre. Néanmoins, certaines plantes recelaient un poison mortel... Était-il là pour prélever le nectar de ces quelques fleurs ? Elle n'en savait absolument rien, mais ne pouvait s'empêcher de penser qu'il était ici pour des raisons peu louables. C'était un démon, sa nature voulait qu'il perpétue les crimes là où il passait.
La jeune chasseuse releva la tête vers la cime des grands arbres. Le ciel se teintait de couleurs chaudes, telles le rouge et le orange, alors que le soleil se couchait. Cet éclairage rendait la couleur de ses cheveux encore plus flamboyante que d'habitude. Mais cela n'était pas pour la réjouir. Bientôt, la nuit tomberait, et elle n'y verrait plus rien. Poussant un petit soupir, elle rejeta une mèche rousse échappée de sa queue de cheval en arrière puis ferma les yeux. Peu à peu, la peau claire de la jeune femme laissa place à un magnifique pelage lustré et orangé, strié de noir. Ses yeux bleus s'arrondirent jusqu'à ressembler à ceux d'un chat. Ses mains et ses pieds devinrent de larges pattes aux griffes acérées et une queue poussa au niveau de son coccyx. La tigresse était de sortie.
Elle leva le museau et huma doucement l'air. Milles odeurs lui parvinrent. Celles, corsées, des animaux tapis derrière les fourrés, celle plus fraîche de la rivière, le parfum musqué des fleurs... Et puis une effluve moins distincte mais bien présente : celle de sa proie. Le fauve se remit en route, dévalant la pente au petit trot.
Arrivée au bas de la pente, elle se figea, tous les sens en alerte.
Wayland... L'odeur était forte. Il était là, tout près. Elle le sentait.
Sans faire aucun bruit, sans émettre aucun son, elle s’aplatit derrière un buisson. De là, elle pouvait voir toute la clairière à travers le feuillage. L'opast était là, debout près d'un arbre. Ça ne pouvait être que lui. Helena reconnaissait ses cheveux blonds en bataille, ses yeux d'or, son nez droit, ses pommettes bien ciselées et sa bouche pulpeuse. Sa grande taille, son corps fin, sa musculature... Les photographies qu'elle en avait vues lui permettait d'affirmer qu'il s'agissait bien de Jace Wayland. Comme la plupart des démons, il était beau, pas de surprise.
Tandis qu'elle l'observait, elle se demandait de quelle façon elle pourrait tenter de l'attraper. Ce soir, elle avait tout pour elle. Le vent soufflait de face, la nuit s'annonçait claire. Que pouvait-on espérer de mieux ?

- Sodom.

La voix extirpa Helena de ses pensées, qui secoua la tête comme pour chasser celles qui avaient décidé de s'ancrer un peu plus longtemps dans son esprit. Cette phrase, ce nom était destiné et désignait un drôle d'animal posté sur l'épaule du démon. C'était une espèce de petite boule de poils noirs avec deux grands yeux dorés et une pierre rouge rubis au milieu du front qui ressemblait aussi à un oeil. Son petit nez rose frétillait de temps en temps lorsqu'il humait l'air. Il était tout à fait adorable. Mais, les apparences sont parfois trompeuses, n'est-ce pas ?
Il émit un petit bruit de gorge qu'Helena aurait trouvé particulièrement mignon et charmant si cet être n'avait pas été ce qu'il était. Il bondit de l'épaule de son maître et en atterrissant sur le sol, se changea un un petit dragon aux écailles noires et brillantes. La bête souffla et de la fumée s'échappa de ses narines frémissantes. Salamander... La jeune traqueuse sut alors qu'elle était repérée, nul doute là-dessus. Bientôt, Sodom, Salamander, le dragon quoi, deviendrait probablement cette épée de feu qui avait volé tant de vies. Helena avait failli y passer, une fois. Une fois seulement, et elle espérait bien que c'était la dernière. Certes, elle avait déjà écopé de nombreuses blessures : brûlures, coupures, hématomes... Mais la mort, elle s'y refusait. Elle s'était fixée un but - des buts - et ne mourrait pas avant d'y être parvenue. Tuer Jace Wayland et, dès qu'elle aurait le temps, poursuivre des recherches sur son père et sur le démon avec qui sa mère avait fait un pacte.
Autant jouer franc jeu, pensa-t-elle.
Reprenant forme humaine, elle se releva en même temps qu'elle prenait son revolver - qui jusque là pendait à sa ceinture - et portait la main au pommeau de son épée, encore glissée dans son fourreau. Elle était vêtue d'un débardeur noir tout simple et d'un jean délavé. Sans ses armes, on aurait pu la prendre pour une jeune humaine tout à fait banale.
En pointant le canon de son arme vers Jace et Salamander, elle ne put réprimer un léger sourire. Elle savait qu'elle n'avait aucune chance de le tuer ainsi mais ce petit jeu du chat et de la souris, du tigre et du démon, l'amusait beaucoup en fait. Cela lui rappelait énormément les jeux qu'elle avait eu à l'école avec ses petits camarades de classe. Bon, d'accord, c'était bien plus dangereux maintenant. L'adrénaline courait dans ses veines, éclairant son regard d'une lueur joueuse. Cependant c'était tout aussi attrayant.
Au point qu'elle finissait par se demander ce qu'elle pourrait bien faire lorsqu'elle serait à la retraite, qu'elle ne pourrait plus chasser. Vivre dans une petite maison de campagne au jardin fleuri parmi une horde de chats tous plus câlins les uns que les autres ? Oh non, surtout pas. Helena avait peu de vieillir, et elle préférait donc mourir jeune, quitte à ce que ce soit un démon qui prenne sa vie. Elle voyait cela comme une mort honorable.

- Bonsoir, fit-elle, son sourire toujours collé aux coins de ses lèvres.

Ce soir, le jeu reprenait. Peut-être en serait-ce la fin...

Le dragon d'ébène tourna sa petite tête vers la jeune rousse. Puis il bondit vers elle, la gueule grande ouverte. Dans son saut, il redevint Sodom et le rubis sur son front lança des éclats rouges sur les arbres. Helena esquissa un bond sur le côté, ce qui suffit à éviter la boule de poils furieuse. Jace dégaina une épée, longue, mais moins effilée que celle de la chasseuse. Elle en avait souhaité une fine, longue, mais surtout légère. C'était plus commode pour effectuer des mouvements fluides et rapides.
Lorsque l'opast s'avança, il trébucha et tomba sur un genou. Que se passait-il ? Le grand démon trébuchait sur une simple pierre, une racine ? Le sourire sur le visage d'Helena s'accentua, dévoilant des dents blanches et parfaitement alignées. Mais avant qu'elle ne puisse s'avancer et lui porter le coup de grâce il se releva et s'immobilisa comme une statue. Le démon lança un regard haineux à la jeune humaine et dit d'un ton acerbe :

- Idiote, tu crois pouvoir me battre ?

- Pourquoi pas ?

Soudain, sans crier garde, le petit animal rejoignis son maître et tous deux disparurent sans laisser aucune trace.

- Bordel ! s'exclama la traqueuse.

Où étaient passés cet abruti de démon et sa boule de poils hargneuse ?! Elle y était presque ! Et bien qu'elle trouvait tout cela amusant, elle sentait la colère et la frustration monter en elle. C'était comme lorsque la souris file dans un trou et que le chat, étant trop gros, est incapable d'y passer et reste assis devant, totalement désemparé. Helena était désemparée.
Elle reprit sa forme de tigresse et émit un petit grognement. Peut-être était-il encore dans la forêt ? Levant le museau, elle huma l'air de cette fraîche soirée d'automne. Oui, elle sentait son odeur. Aussitôt, elle s'élança dans cette direction.
Arrivant près de la rivière, elle redevint humaine. La fragrance de l'opast y était particulièrement forte. Elle se posta derrière un arbre, le dos collé contre le tronc rugueux. Puis elle glissa sa tête sur le côté et jeta un regard à la rivière, et au démon. Immédiatement, elle sentit le feu lui monter aux joues. Wayland était dans la rivière. Il ne portait plus son pantalon, ni son tee-shirt, qui avaient été jetés en boule au pied d'un arbre. Il était inhabituel pour la jeune chasseuse de voir des hommes quasiment nus, et ça... la déstabilisait. Que devait-elle faire ? Sortir de sa cachette et sauter les deux pieds dans l'eau pour le combattre ? Non, il valait mieux qu'elle retrouve d'abord des idées claires.

Il plongea totalement dans l'eau claire et disparut quelques... minutes. Helena en profita pour se détourner de la scène et s'éclaircir l'esprit. Bien. Ses armes reposaient avec ses vêtements. Il n'avait à disposition que Salamander et ses pouvoirs. Bien sûr c'était un euphémisme. Que... Tss. Salamander était redoutable, elle le savait, et ses pouvoirs bien trop importants à son goût. Mais c'était le moment idéal pour sortir et le combattre, non ?
Remontant à la surface, il s'exclama, demandant à Sodom de le rejoindre. Celui-ci n'accepta apparemment pas puisque Jace lui lança :

- Espèce de peureux, va.

Elle ré-entendit un bruit d'éclaboussures, il avait replongé. Quelques instants plus tard, il ressortit et elle perçut le bruit d'un froissement de tissu et d'un cliquetis de ceinture. Son pantalon ? Sûrement. Il avait dû le remettre. Et cause de sa pudeur de jeune fille, elle avait raté une occasion d'attraper son ennemi... Il avait désormais ses armes sur lui. Bon sang, c'était elle la chasseuse et lui la proie, pas l'inverse !

- Alors, pudique la chasseuse ?

Sa voix la fit sursauter violemment. Il l'avait sentie, bien évidemment. Elle aurait dû s'y attendre...
Elle sortit de derrière sa cachette végétale et planta son regard dans celui de sa proie, autant pour éviter d'avoir à regarder la musculature de son torse que pour donner plus d'aplomb à ses paroles. Ses iris étaient dorées, scintillantes... Pareilles aux reflets que projette le soleil sur les feuilles humides de l'automne. Elle cligna des yeux, troublée.

- Non, pas du tout.

Puis croisa les bras, alors qu'elle aurait dû saisir son épée ou son revolver. Mais elle avait été piquée au vif et sa nature de femme avait pris le dessus sur son instinct de chasseuse. Pour qui se prenait-il ? Ce démon était bien prétentieux de croire qu'il pouvait la troubler - même si c'était le cas. Il n'était pas censé le savoir, et c'était donc bien de la vanité. De la vanité démoniaque.

Helena sortit de derrière sa cachette marron et planta son regard dans celui du démon.Elle avait de jolis yeux bleus. Bleus comme l'océan mais un regard aussi dévastateur qu'une tempête. Jace aimait les tempêtes. Il les supplier de lui donner son essence et que son chant apaise ses souffrances. Il pensait toujours à son enfance, à son frère aîné qui le prenait sur ses genoux et l'enlaçait pour le consoler quand il se faisait gronder. Jace se faisait souvent gronder car il était très maladroit. Il était vif. Wesley, ainsi était il nommé, lui caressait le dos et lui chuchotait des mots doux. Maintenant, le sol à pouvoir le câliner était Sodom, mais malheureusement cette boule de poil n'était qu'un animal.

- Non, pas du tout.

Elle croisa les bras, ce qui fit remonter la poitrine. Le démon se lécha les lèvres, il ne dirait pas non à avoir la jolie rousse dans son lit une petite fois avant de la tuer. Il savait qu'elle ne résisterait pas. Jamais personne ne lui résisterait, il le savait. Il était conscient de l'effet qu'il produisait sur la gente féminine; la gente masculine aussi, d'ailleurs. Il se souvenait d'un homme d'une trentaine d'années qui voulait bien faire quelque chose peu catholique avec lui. Il avait joué le jeu et s'était laissé séduire, mais au moment où ils passèrent dans une ruelle sombre, Jace en ressortit le seul vivant. Il avait lacéré l'autre d'un coup d'ongles puis l'avait jeté démembré dans une poubelle. ça l'avait amusé. Il observa la jeune femme, enfin plus précisément ses deux attributs en haut.

- Hm.. Jolis.. Très jolis.

Lorsqu'elle croisa les bras, le démon passa sa langue sur ses lèvres d'un air envieux. Helena haussa un sourcil inquisiteur. Puis il se mit à la détailler de haut en bas, puis de bas en haut, jusqu'à ce que ses yeux se fixent sur un point.

- Hm... Jolis... Très jolis.

De quoi parlait-il ? En suivant son regard, elle se retrouva nez à nez avec sa poitrine, qui n'était pas si importante que ça. Et ses joues s'embrasèrent en même temps qu'elle comprenait et que l'indignation et la colère pointaient le bout de leur museau. La jeune femme décroisa les bras, ce qui fit redescendre sa poitrine. Relevant la tête, elle lança un regard acéré à son ennemi. Elle se sentait... fragile, comme ça, les bras ballants le long du corps. Devait-elle croiser les mains derrière son dos ? Devant ? Non, elle aurait eu l'air d'une petite fille intimidée. Elle posa donc ses mains sur ses hanches. Au moins, il n'y avait rien qu'elle puisse mettre en valeur en faisant ça.

- Tu es vraiment... écoeurant, Wayland.

Écoeurant, c'était le mot. Ou pervers ? Stupide ? Abruti ? Sot ? Obtus d'esprit ? Tout lui convenait à merveille. Jace Wayland pouvait être qualifié de tous les adjectifs psychologiques et mentaux qui soient. Physiques, c'était une autre affaire...
Mais s'il croyait qu'elle allait se laisser prendre à son petit jeu de séduction puéril et qu'elle allait se retrouver dans son lit, il se fourrait le doigt dans l'oeil. Très loin, très profondément. Elle lui résisterait coûte que coûte. Coucher avec sa proie ne faisait pas partie de son métier. Helena n'était pas ce genre de filles faciles qui se laissaient aller à la luxure. D'ailleurs, elle était vierge... Et elle ne perdrait pas sa "pureté" avec cet homme. Oh non. Il était hors de question d'inverser les rôles. Elle restait la chasseuse.

Jace éclata de rire quand elle décroisa les bras pour chercher en vain un endroit où les poser.

- Tu es vraiment... écoeurant, Wayland.

Il rit plus fort. Elle posa les mains sur ses hanches, mais ce n'est pas un endroit neutre. Il se mit à penser à quelque chose de malsain. Il l'imagina attachée aux barreaux de son lit suant par tous les pores et le suppliant de n'en pas finir. Il s'imaginait aller&venir en elle puis de soulager son désir. Rien que pour ça, il afficha un sourire pervers. Le dernier bon coup qu'il avait eu était une elfe d'une vingtaine d'années. Elle avait de longs cheveux couleur ébène, des yeux gris d'une profondeur sans fin et surtout un petit nez fin qui allait très bien avec le reste de son visage. Ce fut une nuit fort agréable. Elle devait être surprise le lendemain quand elle se retrouva seule dans la grande chambre d'hotel trois étoiles. Bref.

Il s'avança vers elle puis en une enjambée fut devant, à quelques centimètres. Là il la poussa contre un arbre et approcha ses lèvres des siennes.

- Je sens la pureté en toi..

Voilà qui était intéressant. Quoi de mieux que de dépuceler sa traqueuse ? Jace était vraiment vraiment très.. vicieux.

Jace Wayland riait à gorge déployée devant celle qui avait été envoyée pour le capturer. Un sentiment de frustration submergea Helena. Elle savait qu'elle devait garder son calme, qu'elle aurait dû garder son calme, mais cet être infâme et imbus de sa personne l'horripilait.

- Si seulement tu pouvais mourir de rire.

Son ton était cinglant, acerbe. Cependant, cela n'empêcha pas le démon d'afficher un sourire pervers et de s'avancer vers elle, jusqu'à la plaquer contre un arbre. Ses lèvres se rapprochèrent. Le beau jeune homme blond aurait pu l'embrasser. Elle sentait son souffle sur son visage, et son odeur lui parvenait nettement. Il sentait bon. Un mélange d'effluves forestière et de feu de bois étaient masquées par un parfum plus fort. Un parfum, artificiel, c'était sûr, qui sentait bon le propre. Détournant le regard des lèvres humides du démon, elle leva ses yeux bleus vers les siens. Ce qu'Helena y lut la fit frissonner. C'était du désir, mais un désir sauvage, bestial, animal qui embrasait son regard de milles étincelles.

- Je sens la pureté en toi... souffla-t-il.

La pureté, la virginité. Oui. On lui avait souvent raconté des histoires comme quoi les démons étaient attiré par la pureté, par tout ce qu'il n'était pas. Sachant cela, Helena aurait dû lui planter son épée dans les côtes, lui appliquer le canon de son revolver sur la tempe, ou au moins le menacer. Au lieu de quoi elle lui répondit, entrant dans le jeu de l'opast.

- Et alors ? Tu crois vraiment que j'accepterais de coucher avec toi ? Si c'est le cas, tu es vraiment stupide.

Ou très, très prétentieux.

Une fois de plus, le démon éclata d'un rire sonore.

- Mais qui a dit qu'il fallait que tu acceptes ?

Envisageait-il de la violer ? Ici, maintenant, comme ça ? Une expression ahurie teintée de peur se peignit sur le visage de la chasseuse. Pour une fois, elle ne gardait pas un contrôle total d'elle-même. Elle n'avait aucune envie de perdre sa virginité de cette façon... Mais le démon se moquait de cela. Il le ferait s'il le voulait, sans éprouver le moindre remords par la suite. Alors peut-être que...

- Tu le sais, que je suis plus fort. Pourquoi t'obstiner ?

- Si je le savais, et si c'était vrai, je n'essaierais même pas de te pourchasser.

C'était une réponse pertinente. Toutefois, elle savait que, dans la position où elle était, le démon était plus fort. Il avait le dessus. Le seul coup assez discret qu'elle aurait pu lui porter aurait été un coup de genou entre les jambes. Alors, peut-être avait-il raison ? Peut-être valait-il mieux qu'elle se laisse faire ? Même si son comportement dénoterait d'une touche de lâcheté... Mais elle n'eut pas le temps de méditer sa réflexion. Sa proie se pencha sur elle et l'embrassa. Helena sentit son torse contre sa poitrine, la chaleur de son corps, la tiédeur de ses lèvres veloutées. Une douce chaleur monta en elle comme un feu dévastateur. Et elle commit l'erreur fatale : elle ferma les yeux.
Ça lui était déjà arrivé, d'embrasser des garçons. Elle se souvenait de toutes ces fois, mais une l'avait plus marquée que les autres, alors qu'elle ne faisait partie que des plus banales, en fin de compte. Elle était encore à l'école, en primaire. Peut-être en CE2, ou CM1. Enfin peu importe. La petite fille qu'elle était avait alors fait une bêtise : elle avait été punie et devait nettoyer les tables et remplir tous les encriers durant la récréation. Bien sûr, elle renversa l'encre sur le sol. C'est alors qu'un garçon de son âge, ou peut-être un peu plus vieux, était entré dans la classe et avait ri en la voyant. Helena, apeurée, lui avait demandé de ne rien dire à la maîtresse. Sur quoi il lui avait répondu : « D'accord. Mais que si tu m'embrasses. Et je t'aiderai à nettoyer. ». Elle l'avait embrassé rapidement, puis il l'avait aidée. Étrangement, la scène qui venait de se dérouler rappelait ce souvenir à sa mémoire. En réalité, la même morale en découlait : Si tu ne fais pas ce que je te dis, tu seras punie.

- Si je le savais, et si c'était vrai, je n'essaierais même pas de te pourchasser.

Le démon se redressa&rit, une fois de plus.

- Tu es naïve. Une pauvre humaine faible&sans famille. Tu vois, nous sommes pareils.

En effet, Jace n'avait plus de famille. Il avait tué ses parents biologiques&renié ceux qui l'avaient adopté&élevé. Il avait même renié ses frères&ses soeurs. Tout le reste, il l'a tué. N'est il pas normal pour un démon de tuer ? En tout cas, il ne regrettait rien. Pendant si longtemps ils lui ont caché sa véritable identité... ça il ne leur pardonnerait jamais. Jamais !

Il regardait la jeune rousse, par les couilles du diable qu'elle était belle. Avec ses cheveux de feu, son regard saphir.. Il soupira. Il n'allait pas tomber amoureux, tout de même. Il ne l'est jamais tombé. M'enfin...

- Jamais tu ne pourras me tuer. Sois en certaine petite.

Sur ce, il disparut.

Brusquement, le jeune homme se redressa, brisant le charme du baiser. Helena releva les yeux vers lui tandis qu'il prenait la parole après avoir rit pour la énième fois.

- Tu es naïve. Une pauvre humaine faible et sans famille. Tu vois, nous sommes pareils.

Naïve, faible et sans famille... Ses paroles eurent l'effet d'une douche froide combinée à un violent coup de couteau planté dans le coeur. Son regard s'assombrit en même temps qu'elle pinçait les lèvres et fronçait les sourcils. Non, elle n'était pas comme lui, et ne le serait jamais. Ses parents l'avaient abandonnée, ce n'est pas elle qui était partie. Leurs vies n'avaient rien de semblable. Lui tuait pour le plaisir, ou par vengeance, elle pour la justice et faire cesser l'infamie.

- Non, nous ne sommes pas pareils ; nous sommes très différents. Je suis loin d'être faible et naïve, comme tu le dis, et un jour je te le prouverai.

Elle cracha ses mots comme du venin. Jace la regardait, la fixait, puis soupira.

- Jamais tu ne pourras me tuer. Sois en certaine petite.

C'est ce qu'on verra ! pensa-t-elle. Mais sa mission consistait simplement à le capturer, pas à le tuer. Il était en possession d'informations importantes aux yeux de l'Ordre.
Et il disparut. Helena soupira et ferma les yeux. Puis elle essuya la bouche d'un revers de la main, comme si elle souhaitait effacer toutes traces de cette rencontre. Il ne restait que le tee-shirt de Wayland, toujours au pied d'un arbre. Resserrant sa queue de cheval, elle reprit sa marche en rebroussant chemin. Elle rentrait, sa journée de travail était terminée.